Wakfu

[Fan-fic] Sombre lune, douce vengeance - Les Carnets Nombre d'abonnés1 abonné

Les contes du vieil Enutrof -> Les histoires au coin du feu
3
- Halte ! hurle le capitaine Halbest. On fait halte ici pour la nuit. Dressez le camp, et vite !
La troupe grogne, mais obtempère. Le capitaine est réputé pour sa dureté envers les traîne-la-patte autant que pour sa longue barbe grise et ses yeux acier, réputation bien fondée que nous avons vue en oeuvre pendant ces dix jours de marche intensive. Nous voilà à présent soldats de fortune, destinés à défendre notre royaume ou à périr en essayant.

Nous avons mis dix longs jours pour arriver ici. Nous arriverons à Lifa demain. En chemin, la troupe s'est agrandie au fur et à mesure que nous avancions vers le point de "formation"... Le nombre de "réquisitionnés" (c'est Kal qui a trouvé l'expression, et tout le groupe s'est accordé pour dire qu'il nous allait à merveille...) est passé de cinquante à cent, puis deux cents et enfin cinq cents pour notre seul secteur, la lisière de Lomne. Nous avons une trentaine de soldats de métier avec nous, dont Halbest, qui nous apprennent déjà les rudiments de la vie de fantassin. Ilian et Sona me faisaient travailler l'épée avec d'autres jeunes de notre village et de la région, en prévision des combats qui nous attendent. Je ne suis pas devenu un expert en maniement des armes - il me faudrait une vie - mais j'ai pu en apprendre suffisamment pour tenir faces aux soldats de l'Empire. Et puis, il me reste encore la formation que j'aurai sur place...

La troupe se lève à l'aube, sous les hurlements désormais coutumiers du capitaine. Nous ramassons nos sacs, nous mettons en ordre de marche. Le départ est donné, ou plutôt hurlé. La marche reprend.
Il est midi quand nous atteignons le sommet de la colline qui surplombe la plaine de Lifa. Et là, un bien étrange spectacle nous attend. Toute l'armée réunie par le roi est réunie autour de la ville, dans un vaste campement qui s'étend sur au moins une fois et demi la taille de la cité, pourtant loin d'être ridicule. Je regarde la masse humaine mouvante qui s'étend à mes pieds. Voyant Halbest à mes côtés, je lui demande.
- Combien ?
- Total ou combattants? grogne-t-il.
- Combattants.
Il pince les lèvres, l'air de réfléchir. Jette un coup d'oeil circulaire.
- Dix mille, douze dans le meilleur des cas. Pas plus. Maximum deux mille soldats de métier.
- C'est beaucoup?
- Contre Anurienn, ça ne sera jamais assez...
Et, grommellant dans sa barbe, il va rejoindre les officiers dans leur pavillon, pour nous attribuer une place dans la cité de tentes. Kal, Nawel, les jumeaux et moi nous le regardons descendre la colline de son pas saccadé. A mi-pente, il se retourne, et nous hurle :
- Restez ici et attendez mes ordres ! Si j'en prends un seul à bouger, je le fouette de ma main. Compris?
- Oui mon capitaine ! scande la troupe.
- Je commençais à m'inquiéter, ironise Kal. Il n'avait pas encore hurlé depuis notre arrivée. Ca ne pouvait pas durer...
- Et tu crois qu'on le surnomme Le Silencieux sans raison? rétorque Sona.
Nous sourions tous les cinq, même si la joie n'est pas le sentiment qui nous vient le plus à l'esprit en regardant l'immense armée qui s'étend à nos pieds. Enfin, on fait avec ce qu'on trouve...

Après une heure d'absence, le capitaine est de retour. Il nous indique un secteur à l'extrémité ouest du campement. Nous nous y rendons tous, installant notre paquetage dans les tentes sommaires. Ni lit ni feu ici : il faudra se débrouiller avec les quelques couvertures que nous avons apportées... Le temps d'aller nous installer, la nuit est déjà là. Nous organisons notre tente, et nous couchons sans perdre de temps. Dans les mois qui viennent, le sommeil sera une denrée rare...
Nos rêves à tous sont bercés par la caresse du vent sur la toile rêche de notre tente...

Le lendemain est le jour de l'affectation. Nous allons être évalués par des officiers qui décideront de la troupe qui nous conviendra le mieux. Nous nous rendons avec notre contingent, mené par un Halbest encore plus aimable qu'à son habitude (si l'on en croit Kal) vers le terrain d'entraînement. Un groupe de cinq haut gradés nous attend : ce sont eux qui décideront de notre affectation. Ilian et Sona passent les premiers. Leur interrogatoire est rapide ; ils rejoignent la troupe des fantassins, les plus nombreux. Vient ensuite Nawel, qui rejoint lui les éclaireurs. Je reste seul au milieu de la foule, avec Kal.
- Je n'aime pas cet endroit, dit celui-ci. J'ai l'impression d'être évalué comme un boeuf au marché des bestiaux annuel.
- Sauf que cette fois, c'est notre vie qu'ils négocient.
- Pas faux. Tu sais t'y prendre pour remonter le moral des gens...
J'esquisse un sourire. Voyant qu'on appelle Kal, je lui lance une dernière boutade :
- Allez, monsieur la bête de foire, votre acquéreur vous attend.
Il me répond une grimace.
J'attends à présent mon tour. Enfin, après une attente qui me paraît durer des heures (le temps passe toujours moins vite quand on est seul), c'est mon tour. Halbest me désigne un homme en armure, du nom de Lord Krim. Je m'avance vers lui. Il me toise d'un regard scrutateur. Je comprends soudain ce que Kal voulait dire, car je ressens la même impression. Du coin de l'oeil, je remarque que ce dernier vient d'être envoyé chez les éclaireurs, avec Nawel. Krim prend alors la parole, d'une voix grave et profonde.
- Faisons les choses vite et bien. Sais-tu manier une arme quelconque ?
- Je me suis entraîné avec mes amis sur la route. Je sais manier une épée, et je me débrouille avec une lance. Cependant, je suis bien meilleur au tir à l'arc.
Il me lance un regard étonné.
- Je n'aurais pas juré cela au premier coup d'oeil. Tu ressembles à ces deux costauds de fils de forgerons qui j'ai vu tout à l'heure. Vous êtes du même village, je me trompe?
- Tout à fait. Ce sont eux qui m'ont entraîné à manier l'épée et la lance. Cependant, je ne suis pas forgeron, mais paysan.
- Un paysan qui tire à l'arc... Ma foi, tu sors de l'ordinaire. A quel point es-tu précis ?
Je souris.
- Je touche un arbre à cent mètres.
- N'aurais-tu pas un peu exagéré tes capacités? Je n'ai pas de temps à perdre avec des vantards, mon gaillard.
- La vantardise n'est pas la qualité la plus utile sur le champ de bataille...
- Je te l'accorde...
Il me regarde à nouveau, puis prend une grande inspiration
- J'aurais bien aimé t'affecter aux archers. Malheureusement, nous manquons cruellement de fantassins. Tu en as la carrure, et tu sais manier une épée et une lance. Tu seras donc fantassin. Je compte sur toi pour acquérir la technique nécessaire. Va maintenant.
J'acquiesce, conscient que mes chances de survie s'amenuisent de plus en plus. Je rejoins les jumeaux, un peu surpris de me voir arriver.
- J'aurais juré qu'ils t'affecteraient chez les archers...souffle Ilian.
- Comme quoi, même toi tu peux te tromper... Ils manquent de fantassins. J'ai la carrure, donc me voilà. Au moins, je ne serai pas seul...
- Ouais, tu as raison. Faut être optimistes autant qu'on peut, parce qu'on pourra pas tant rire que ça dans les mois à venir...

Une fois la répartition terminée, Halbest s'adresse à nous de sa voix douce et mélodieuse (comme dirait Kal, décidément très présent dans mon esprit). Il nous donne notre programme d'entraînement par affectation (archers,fantassins,cavaliers,éclaireurs, et tous les autres). Une fois l'énumération terminée, nous retournons à notre tente. Nous y retrouvons Kal et Nawel, qui nous attendent assis à même le sol. Nous nous asseyons à côté d'eux, dans le silence.
Pas un de nous n'ose parler. Je me dévoue donc, comme il y a peu (et en même temps si longtemps) dans notre maison aérienne.
- Eh bien, nous y voilà...
Tous acquiescent d'un hochement de tête.
- Vaincre ou périr, il faudra choisir... murmure Kal.
- Tant qu'à faire, j'aimerais mieux vaincre. renchérit Sona.
- Alors on va donner tout ce qu'on peut pour devenir les meilleurs possibles. ajoute Nawel
- S'entraîner jusqu'à être les soldats parfaits. souffle Ilian.
- Et gagner cette foutue guerre. Et revenir chez nous. je conclus.
Nous nous regardons, et gagnons nos lits de fortune pour dormir. Pas un mot n'est ajouté. Tout a été dit.

Seul le silence de la nuit entendra le reste de nos paroles...Page précédentePage suivante
Créé le 27/11/12 é 07:55
Derniére modification le 28/12/12 é 07:47
1 commentaire :
Dracnor [Les Doux Barbares]947Hors ligne
01/02/2013 (20:01)
J'ai lu et... J'ai vraiment aimé. Évidemment, personne n'atteindra jamais Cegy mais ton texte est pas mal du tout. Pavé? Ça ne gêne pas, les illustrations servent juste à aérer.
Laisser un commentaire :
Pour laisser un commentaire, vous devez étre identifié :
Login : Mot de passe : Mot de passe oublié ?
Pas encore inscrit ? Créez votre compte !