Auriny soupira. Elle avait un peu peur d'Antoine, mais compatissait. Déjà, il y avait la mort de sa meilleure amie, mais aussi qu'on le lui a caché. Il le prenait très mal. Simon regardait le téléviseur, secouant négativement la tête.
"Les plans d'Andyspak ne sont pas clairs, dit-il. Primo, il installe des bombes autour de la planète, dans le but de la faire exploser. Mais c'est un peu stupide, sachant qu'il mourra en même temps... Et deuxio, pourquoi a-t-il communiqué avec le monde entier? C'est complètement illogique, puisqu'il pourrait activer les bombes maintenant... En plus, c'est de l'arnaque ces 48 heures! Personne ne pourra retrouver tous les explosifs!"
Rémiro regardait par le miroir sans teint de la salle d'interrogatoire. Il avait écouté toute la conversation, et ça le laissait incrédule.
"C'est bien trop compliqué pour moi... Andyspak a vraiment tout prévu depuis le début, en manipulant Charles pour tous ses désirs depuis son arrivée sur Terre.
- À croire qu'il connaissait déjà Charles avant de venir sur la planète, commenta Lily.
- C'est complètement idiot! rigola le iop.
Simon continua d'un air penseur:
- Pourtant... C'est la seule explication possible.
- Hein?
- Aucun d'entre vous ne s'est jamais demandé comment les wakfusiens se sont adaptés dans ce nouveau monde? D'après ce que j'ai compris, c'est Charles, sous la demande d'Andyspak, qui les a intégrés dans la société. Mais comment le zobal lui-même a pu comprendre le fonctionnement de notre pays? Il avait un guide touristique?
- Renée a dit qu'il était très intelligent...
- Dans un cas pareil, il faut plus que de l'intelligence, il faut des connaissances. Notre civilisation est beaucoup trop complexe pour que quelqu'un s'y improvise. Si on revient aux propos de Lily, comment pensez-vous qu'Andyspak a fait pour choisir Charles, alors qu'il était encore inconnu, et loin d'être le meilleur? Le hasard? Je n'y crois pas. Cette machination est calculée au millimètre près. Qu'en penses-tu, Auriny? Tu n'as pas parlé depuis tout à l'heure.
L'eniripsa s'éloigna vers la porte.
- C'est bien pensé, Simon, mais c'est impossible. Pour connaitre la Terre, il faudrait y avoir vécu. Je te rappelle qu'Andyspak vient du Monde des Douze. C'est le hasard, n'essaie pas de chercher plus loin. Bon, maintenant, si ça ne vous dérange pas, je vais aller faire un petit tour."
Auriny se mit à marcher tranquillement entre les postes de travail. Elle voulait oublier un peu cette folle histoire, mais le pouvait difficilement. Dans le bâtiment, les gens couraient dans tous les sens. Après quelques secondes, les oreilles d'Auriny furent attirées par deux agents qui discutaient entre eux.
"... et là, je lui ai demandé de partir, car la personne qu'elle cherchait ne travaille pas ici, dit le premier.
- Tu es sûr? demanda le deuxième.
- Bien sûr que oui, je connais tout le monde dans ces bureaux. Personne ne s'appelle Auriny.
L'eniripsa s'approcha.
- Et elle a fait quoi?
- Elle a insisté, en disant qu'elle ne bougerait pas d'un poil tant que cette Auriny ne viendrait pas la voir en personne. D'après moi, cette femme est encore là, à l'entrée, à attendre. Elle risque d'y rester longtemps!"
Auriny en avait assez entendu. Elle se déplaça d'un pas ferme vers la sortie. Les gardes ne prirent pas vraiment attention, la laissant passer facilement. L'adolescente descendit les escalier jusqu'au trottoir. Il n'y avait personne, hormis des dizaines de voitures qui roulaient dans la rue. Elle plissa des yeux. Une femme tout de noir vêtue était debout, accotée sur le mur de l'autre côté de la voie embouteillée. C'était Isaure.
Après un long détour, elle rejoignit enfin la roublarde. De près, on voyait bien qu'elle était mal en point. Son sang tachait ses vêtements, même s'il s'étaient couleur ébène. Isaure la regarda, et lui quémanda simplement:
"Soigne-moi.
Auriny se souvint des paroles de Simon plus tôt dans la journée.
- En échange, vous... vous acceptez de me dire où se trouve le journal de votre père?
- C'est d'accord."
L'eniripsa leva la baguette Range. Une douce lumière s'abattit sur la blessée. Les blessures se refermèrent, et le sang cessa de couler. Les os du bras se replacèrent. L'intervention ne dura que quelques secondes, et Isaure fut totalement guérie. Elle posa sur la fille un regard gratifiant.
"Merci. Tu es très douée.
- Vous voulez bien me dire où...
- Je l'ai confié à Toino, le concierge des Archives. C'est lui qui l'a caché."
Elle partit sans un mot de plus, laissant sur place Auriny. Ni l'une ni l'autre ne remarquèrent le sram, qui, invisible, écoutait à quelques pas de là...
___
Il y avait des crucifix partout. Au plafond, sur les murs, partout. L'appartement était un vrai bric-à-brac, abandonné depuis très longtemps. La plancher était parsemé de vêtements, il était impossible de faire deux pas sans marcher sur une paire de bas ou des pantalons. Il n'y avait pas de place sur les fauteuils, les sofas étaient poussiéreux à en rendre malades des rats qui passeraient par mégarde dans le coin. Le logis de Gendiki était un vrai fouillis.
Isaure s'avança prudemment. Non pas qu'il y ait le moindre danger, mais plutôt car elle manqua de trébucher plus d'une fois sur les déchets éparpillés par terre. Elle traversa la salle, puis entra dans une autre pièce. Celle-ci était bien plus ordonnée, malgré qu'il y ait encore beaucoup de croix. La roublarde jeta un coup d’œil au foyer. Des photos étaient exposées dans des cadres. C'était des photographies d'elle. Sur quelques unes, on pouvait apercevoir Gendiki, qui l'entrelaçait dans ses bras. Des fleurs installées autour du foyer donnaient un peu de beauté à l'endroit.
Derrière elle, Isaure remarqua la sofa. Plein d'enveloppes trainaient dessus. "Le courrier de Gendiki" se dit-elle. Mais après avoir regardé attentivement, elle remarqua qu'elles ne portaient pas de timbres. Elles n,avaient donc jamais été envoyées. Mais qui était le destinataire? Elle en ramassa une au hasard; c'était son nom qui était sur l'enveloppe! Une feuille glissa par terre, l'enveloppe étant déjà ouverte. Intriguée, elle ramassa la lettre, et se mit à lire.
Chère Isaure,
Cela fait 62 jours, 5 heures et 32 minutes que tu es morte. Depuis que tu es partie, je ne cesse de compter les jours qui nous séparent. J'espère que tu vas bien, où que tu sois. Tu ne pourras jamais lire cette lettre que je t'écris. Et je ne laisserai personne d'autre la lire. On pourra me traiter de fou, de tout ce qu'on voudra, je continuerai de t'écrire comme si je pouvais vraiment te parler, comme si tu étais à mes côtés.
Je te vengerai, mon amour, je te vengerai. Je n'ai jamais aimé les srams, mais ce que Dralbur t'a fait fut la goutte qui fit déborder le vase. Il t'as égorgé sous mes yeux. Et il a ri devant moi. C'est de ma faute, Isaure, je te demande pardon. Alors qu'on était jeunes, je lui ai sauvé la vie. Depuis ce jour, il ne cesse de me pourchasser partout où je vais pour me rendre sa dette. Il en a profité pour te tuer dans l'occasion. Je le déteste, je le hais, je l’exècre, et je te vengerai. Je le tuerai de mes propres mains, je te le jure. Ce n'est qu'une question de temps.
Je sais qu'il travaille pour Glip. J'ai donc décidé de joindre les rangs de Wayh, pour pouvoir m'y approcher un peu plus. Tu te souviens d'Odo Fumio, le détective qui nous avait coincé? Il a commencé à s'intéresser aux wakfusiens comme nous. Sauf qu'il n'a pas encore appris que je m'étais évadé. Il pourrait me servir d,appât. Je suis sûr que, s'il raconte ses découvertes à Glip, ce dernier va envoyer son assassin. Et ce jour là, je serai prêt.
J'ai découvert une nouvelle religion. Ça s'appelle le christianisme. Je ne vais pas te la décrire au complet, ça serait trop compliqué. Mais en gros, c'est une religion monothéiste, comme la majorité de celles sur Terre. Quelques fois, je ne les comprends pas: la majorité des croyants croient que leur dieu est LE dieu, le seul et unique. Pourquoi ne pourraient-ils pas accepter qu'il y en ait plusieurs? Les humains sont étranges, parfois...
Il y a ce gars. Il s'appelle Jésus. Il est considéré comme le Christ, comme le sauveur, comme le fils de Dieu. Personnellement, je me fous éperdument de ce qu'il est. C'est ce qu'il a fait qui lui fait mériter tout mon respect. Ce terrien est né sous la possession romaine, et était juif. Il n'avait rien de spécial, il était un terrien comme les autres. Mais il a accepté de souffrir, tout au long de sa vie. Il a sacrifié son existence pour venir en aide à tous les peuples de la terre, les agresseurs comme les agressés. Sans aucun pouvoir sacrieur. Ce mec est mort cloué sur une croix, avec une couronne d'épines sur la tête et après s'être fait fouetter maintes et maintes fois!
Je connais plus d'un sacrieur qui, sans leurs précieux pouvoirs, n'auraient pas le courage de faire le centième de ce que Jésus a fait. Et il l'a fait au nom de l'amour. Comme celui qui nous uni. Tu sais, je pense souvent à ce qui aurait arrivé si nous nous étions marié. Le prêtre aurait dit: "Jusqu'à ce que la mort vous sépare." Moi, j'aurais répondu: "Non, bien au-delà." Même si j'aimerais bien qu'après 3 jours tu ressuscites, saches que je t'aimerai toujours. Après ta mort. Après la mienne. Toujours.
Je ne t'oublierai jamais,
Gendiki
P.S.: L'autre jour, l'évêque m'a raconté une belle parole. Je ne la comprend pas beaucoup, mais j'aimerais te la partager: "Le Bien finit toujours par perdre. C'est sa façon de gagner."
Une larme coula sur la lettre. Isaure la déposa sur l'établi. Elle pleurait. Elle pleurait comme elle n'avait jamais pleuré. Toutes les larmes de son corps. La roublarde resta ainsi pendant de longues secondes, recroquevillée sur elle-même. Finalement, elle releva la tête, décidée, des flammes dans les yeux.
"Andyspak. Le Mal finit toujours par gagner. C'est sa façon de perdre. Tu vas mourir."
Page précédentePage suivanteDerniére modification le 28/09/12 é 01:58