L'histoire d'Eraldiel - Les Carnets 6 abonnés

Par Eraldiel

Les fleurs d'Eraldiel avaient bien poussées malgré la terre peu accueillante. Ce dernier était en train de récolter prudemment les quelques graines qu'elles présentaient. Puis il se releva. Il avait réussit à trouver une baguette classique d'Eniripsa, en remplacement de la sienne, qui était cassée.
Cela faisait déjà une petite semaine depuis la dernière fois qu'il avait vu Fideus. L'Ecaflip ne lui avait pas donné de nouvelles, et l'Eniripsa ne savait pas vraiment où le chercher. Fermant la petite bourse de graines à sa ceinture, il se mit en route vers le village des vents. Il devait y rencontrer Ghurn, le vieil Enutrof, pour faire son rapport. En effet, il lui avait été demandé de compter les représentant des différentes espèces présentes dans les champs de Cania. Shibia pouvait ainsi réagir s'il manquait une espèce, ou si l'une d'entre elle était mal représentée. A l'inverse, cela pouvait indiquer qu'une espèce était trop abondante : ce qui était le cas des tofus.
Il n'avait pas vraiment fait connaissance avec d'autres membres de la guilde, si ce n'était un petit Osamodas qui lui intimait de cacher qu'il y avait trop de tofus, et un Sadida qui avait passé son temps à dormir au lieu de l'aider. Respectivement, ils s’appelaient Sdraks et Naooooheujlm. Ou du moins, c'est ce qu'Eraldiel avait compris du Sadida, bâillant.
Il traversa le pont du Faubourg de la Sainte-Eau Dorée, complètement bondé. Les gens ne se bousculaient pas encore pour pouvoir passer, mais presque. Eraldiel dut se glisser dans la foule pour atteindre l'autre côté du pont, passant vers Nina Richa. Il heurta alors quelqu'un, voulant aller trop vite. Une main sur son nez, il leva les yeux, étant déjà en train de s'excuser. Il croisa alors le regard d'un Pandawa aux yeux gris. Plutôt svelte et bizarrement sobre, il s'excusa également avec une voix légèrement éraillée, trahissant la soirée qu'il avait du passer la veille. Il s'éclaircit la voix avant de répéter ses excuses, de manière plus audible. Ne s'arrêtant pas plus longtemps, Eraldiel reprit sa route vers le village des vents.
Le Pandawa bâilla, suivant des yeux ce petit être ailé dont lui parlait Fideus chaque jour. Il se reconnaissait vraiment au premier coup d'oeil. Après avoir fermé la bouche et avoir cligné des yeux trois ou quatre fois, Minazuki vit disparaître Eraldiel derrière un arbre de la plaine de Kara. Cela lui fit l'effet d'une claque. Sursautant soudain et poussant un juron, il se lança à la suite de l'Eniripsa.
Le rattrapant sans problème, il l’appela avant qu'il ne pénètre au village des vents. Eraldiel se retourna et reconnu le Pandawa d'il y avait une minute. Avec un regard interrogateur, il lui demanda ce qu'il se passait.

<<Tu es bien Eraldiel, hein ? dit-il à brûle-pourpoint.>>


Un peu surpris qu'un Pandawa inconnu sache son nom, il ne sut que répondre. Minazuki s'approcha alors plus près, suite à son silence. Faisant un très léger mouvement de recul et mettant un de ses avant-bras à la hauteur de son ventre, Eraldiel demanda :

<<Qui êtes-vous ?

Je m'appelle Minazuki, je travaille comme tavernier à la taverne de la Bagrutte, répondit-il calmement.>>


Eraldiel remit doucement un souvenir : oui il avait rencontré cet homme le soir du FidéFiasco. Ce n'était donc pas un ennemi, et il connaissait Fideus. Peut-être avait-il des nouvelles de lui ?

<<En quoi puis-je vous être utile, Minazuki ? questionna très aimablement l'Eniripsa, abaissant son bras.

J'aimerais avoir une discussion avec toi. Si ça ne te gène pas, bien entendu. On pourrait aller s'asseoir sur les tabourets du feu de camp, là-bas, proposa-t-il en montrant l'endroit du pouce.>>


L'Eniripsa fit une petite moue, mais accepta la proposition. Par contre, le Pandawa allait devoir patienter jusqu'à la remise de son rapport à l'officier. Sur un signe de tête, Minazuki alla s'installer pour attendre. L'homme aux yeux bleu arriva près de Ghurn, qui comptait le nombre de kamas qu'il possédait dans sa bourse. Il lui remit son rapport après une légère révérence. Il prit ensuite congé sur un remerciement du vieil Enutrof. Ce vieil homme était gentil avec lui. Il avait beaucoup aidé à son intégration dans la guilde, et lui apprenait quelques histoires sur le monde des douze, sa faune et sa flore. Alors que Mysthys ne lui adressait pas l'ombre d'un regard et que Bardop le considérait comme un sous-être, lui le considérait vraiment comme quelqu'un digne d'intérêt.
Il s'approcha d'un des tabourets du feu de camp et s'assit en face de Minazuki, qui avait sortit une petite bouteille d'alcool pour passer le temps. D'une manière naturelle, le Pandawa la proposa à l'Eniripsa, qui refusa avec empressement.

<<Je savais qu'il y avait forcément un truc pas net chez ce type !>>

Il s'éclaircit alors de nouveau la voix avant de démarrer. Fallait pas vraiment foirer cette discussion.

<<Fideus m'a parlé de toi, débuta-t-il avec un sourire engageant.>>


Il laissa un blanc, ne sachant déjà plus quoi dire. Il était doué pour la conversation avec les gens qu'il connaissait, pas des inconnus. Mais il allait faire un effort.

<<Il m'a beaucoup parlé de toi. En fait, il le fait chaque jour, ajouta-t-il.>>


Eraldiel se demandait bien ce qu'il avait pu lui raconter. Leur histoire avait duré un jour et demi.

<<Que dit-il de moi ? demanda l'Eniripsa, assez curieux.

Je le connais depuis des années, Fid'. On a quasiment tout fait ensemble et on est très pote. Alors, ça me semble ultra étrange de dire ça de lui mais...>>


Il baissa la voix, obligeant l'Eniripsa à tendre son oreille pointue.

<<...J'crois qu'il est tombé amoureux.>>


Minazuki ferma les yeux. Fideus, le pire bourreau des coeurs, séducteur à souhait et Dom Juan parfait...avait succombé à l'une de ses conquêtes. Il avait tellement de mal à y croire.

<<Je n'aurais jamais pensé qu'il ressentirait le fameux "Amour" dont il parlait à toutes ses conquêtes, pensa-t-il à haute voix. Enfin, bref, reprit-il. Il pense à toi chaque jour, il parle de toi chaque jour...Il t'aime, et tu lui manque. Alors, mec, j'sais pas ce que tu lui as fait, mais faut que tu revienne.>>


Un peu surpris par la déclaration d'amour interposé de Fideus, Eraldiel cilla.

<<Il...Il quoi ? fit-il sans comprendre.

Il fait des cauchemars, lui qui a un sommeil de plomb ! Franchement, je ne l'ai jamais vu comme ça. Et je n'aime pas le voir souffrir.

Et bien...je..., balbutia l'Eniripsa, très touché par la souffrance de l'Ecaflip.

Je ne sais pas si tu connais ses habitudes de jeu, mais en ce moment, il joue tellement mal qu'il s'endette jusqu'au cou. Normalement, il sait maîtriser les pertes. Puis, il passe aussi tout son temps à la forge ! C'est limite si je ne dois pas aller le chercher à heure fixe pour qu'il arrête de frapper sur le métal.>>


Après réflexion, c'était ce qu'il faisait déjà. En une semaine, Fideus lui avait montré une facette qu'il n'avait encore jamais soupçonné exister.
L'Eniripsa ne disait rien. Il était l'initiateur de cette descente aux portes du Royaume de Rushu de Fideus ? Impossible. Impossible à croire. Impossible à concevoir. On avait l'impression qu'il l'avait plaqué après dix ans de vie commune et pas seulement un jour et demi.

<<Vous restez chaque jour avec lui ?

Ben, je vais te raconter un peu le soir où tu l'as quitté.>>


_________

Fideus s'enfonça dans sa choppe de bière. Puis il releva la tête soudainement.

<<Je vais mal, et tu te fiche de moi ?>>


Pris au dépourvu par la réaction de l'Ecaflip, le Pandawa fronça les sourcils.

J'essaye juste de t'ouvrir les yeux. C'est juste une conquête qui a foiré, pas besoin de te mettre dans des états pareils. Tu devrais vraiment aller te coucher.

<<Zuzu...Je suis resté figé sur le Faubourg depuis qu'il m'a plaqué. Et tu sais à quoi je pensais ?

A ce soir, pour le remplacer, comme d'ordinaire ? fit-il avec espoir.

J'ai pensé au mouvement si gracieux qu'il a réalisé : le mouvement de son poignet, l'ouverture de sa paume, ses yeux bleu un peu énervé. Mais surtout son profil lorsqu'il s'est envolé. Ce qu'il était beau ce profil...Avec sa pupille me lançant un dernier regard en coin.>>


Le Pandawa siffla son verre et s'en resservit un. Qu'est-ce qui n'allait pas chez son pote ?

<<Hey Fid', c'est pas la saison de 'Surprise sur prise' avec Mars, Elle, Belle et Liveau ! Tu le sais, hein ?>>


Le Pandawa regarda autour de lui pour tenter de reconnaître l'une des quatre personnes qu'il avait cité, mais ce fut une déception. En tout cas, cette histoire ne le faisait plus rire.

<<Fid, tu me dis la vérité ? C'est pas une blague ?>>


L'Ecaflip se leva brutalement, frappant la table de ses deux mains ouvertes. Les regards se tournèrent vers eux, et les conversations se turent autour d'eux.

<<Je ne pensais pas que tu doutais autant de moi. Au moins, Diel m'aura ouvert les yeux sur mon meilleur ami...>>


Puis il tourna les talons pour sortir de la taverne.

<<Hey, attends ! fit Minazuki en se levant rapidement. Rassieds-toi !>>


Fideus claqua la porte de la Bagrutte, qui fut ouverte quasiment la seconde suivante par Minazuki. Le Pandawa ne fit aucun autre mouvement jusqu'à ce que Fideus daigne se retourner. A peine fut-il face à face, Minazuki prit la parole.

<<Cette histoire m'étonne tellement...mais...Je te crois. Je vais tout faire pour t'aider à te sentir mieux, d'accord ?>>


Minazuki ne tenta même pas un sourire. Il espérait tout simplement que le lendemain, il retrouverai son pote. L'Ecaflip resta silencieux. Le regard un peu vague. Il n'avait pas du tout envie d'être seul ce soir. Il se sentait...vide.

<<Zuzu...Je peux squatter ta chambre ? Je n'ai absolument pas envie d'être seul ce soir.>>


Le ton employé appuyait très largement sur l'état de l'Ecaflip, finissant de convaincre le Pandawa.

<<T'inquiète, bien sûr que tu peux. Viens.>>


Il lui fit un signe de tête pour l'inciter à le suivre. Minazuki habitait une chambre de fonction que lui louait le propriétaire de la Bagrutte. Ils allaient donc passer par une porte à l'arrière du bâtiment, puisqu'aucune connection entre l'étage et la boutique n'existait. Minazuki ouvrit la porte sur un escalier sombre montant à l'étage. Fideus avait plusieurs fois dormi chez son ami, mais la plupart du temps, c'était à cause de cuites monstrueuses. Il ne se souvenait pas vraiment du lieu de résidence de son tavernier préféré.
Laissant passer Fideus devant, Minazuki referma la porte à clef. L'Ecaflip se maintenait à un mur en grimpant les marches. Une fois arrivé en haut, il attendit Minazuki avant de bouger. Il faisait plutôt froid dans la chambre, elle ne devait pas posséder de cheminée. Le Pandawa parvint à l'étage et alluma une torche sur sa gauche grâce à un sort. Il l'enleva de son socle, puis la brandit, éclairant la petite pièce. Il illumina les six autres puis reposa la première torche dans son socle.
La pièce semblait assez spacieuse, surtout car elle était très peu meublée. Un lit près du mur à gauche de l'entrée, défait. Des fûts d'alcool divers disposé à l'opposé et un coffre certainement fourre-tout à l'angle de la pièce. Le sol était fait d'un bois plutôt usé, témoignant par ses nombreuses tâches les coulées de liquides alcoolisés.

<<Mets-toi à l'aise, dit Minazuki.>>


Ce dernier quitta ses Sandales Kolique, qui ne le protégeaient en rien du froid mordant de la neige. Il avait les pieds totalement gelés. Fideus avait quant à lui des Bottes Craquelées, qui n'étaient pas très confortables. La pierre gardait la trace du froid extérieur et ne la quitterait que le lendemain matin, s'il y avait eu une cheminée. Minazuki ouvrit son coffre puis sortit une couverture supplémentaire. Il la disposa sur le sol, puis s'allongea dessus, poussant un soupir d'aise, alors que Fideus avait du mal à retirer ses bottes.

<<Qu'est-ce que tu fais, Zuzu ? demanda l'Ecaflip, le voyant par terre.

Tu prends mon lit ce soir.>>


L'Ecaflip balbutia un refus gêné puis reconstitua une phrase correcte.

<<Hey, non, déjà que t'es super de me laisser squatter ton chez toi, tu vas pas me donner ton lit ! En plus...

Je m'en fiche d'être par terre, firent-ils d'une même voix.>>


Ils se regardèrent, une des bottes de Fideus claquant sur le sol en tombant. Puis le visage de l'Ecaflip se fendit d'un sourire.

<<Du fond du coeur, merci.

Ca me fait plaisir, répondit le Pandawa, se mettant sur le ventre.>>


L'Ecaflip retira sa cape, puis son Abratron. Il posa ses vêtements près de la tête du lit, puis s'y assit. Où pouvait être Eraldiel ? Pensait-il à lui ? Est-ce qu'ils se reverraient ? Il se posait toutes ces questions, et bien d'autre encore. Il commençait presque à être énervé, au-dessus de la tristesse qu'il éprouvait. Tout ça était de la faute de Mysthys, du système pourri de Shibia et d'Heolko. Oh oui, Heolko : il allait se le farcir celui-là. Cette ordure se devait de payer !
Une dizaine de minutes plus tard, il entendit la respiration lente et calme de Minazuki témoignant son assoupissement. Lui s'allongea enfin, remuant ce qu'il savait du Sram. Et l'information qui lui crevait les yeux c'était qu'il ne savait rien. Il était prêt à parier qu'Heolko n'était même pas son vrai nom. Puis il se souvint de ce qu'il lui avait dit plus tôt, dans les champs de Cania...
"Tsssk. Cette guilde se gangrène...Depuis..."L'Accident"...le respect se perd."
Heolko...Mais que cachait-il ?
Fideus s'endormit une à deux heures plus tard, se retournant souvent dans le lit de Minazuki.

Peu après, il était au milieu d'une forêt plutôt bien garnie. Il était en pleine conversation avec les autres membres des Six. Un Féca avait la parole. Un Féca aux cheveux gris, aux lunettes fines et rondes et aux yeux brun. Son bracelet de puissance sur le bras gauche, il exposait un plan pour contrer l'invasion des Araknes sur le territoire de Tonkult. A la fin de son discours, il lança un coup d'oeil à chacun. Puis il demanda à un Sram de le suivre pour discuter d'un 'petit problème'. Laissant les quatre autres, le Féca et le Sram prirent une petite distance.
Une Eniripsa regarda s'éloigner son amant, puis revint dans la conversation plus légère que Fideus et Bardop avaient engagé. Ils se vantaient mutuellement, ce qui était un spectacle hilarant !
Puis soudainement, le vieil Enutrof tourna le regard vers une broussaille suspecte. Les autres remarquèrent son regard et la perte de son sourire. Ils le perdirent à leur tour et restèrent sur leur garde. Il y avait bien des ennemis cachés non loin d'ici, cela ne faisait aucun doute. Mysthys tourna la tête vers le Féca, toujours très absorbé par sa conversation avec Heolko. Il n'avait rien remarqué ! Il fallait le prévenir ! Alors qu'elle ouvrait la bouche et commençait à courrir vers eux, une rangée de brigands sauta des buissons et les encercla. Peu de ces gens portaient des masques ou des foulards : c'était clairement ces enfoirés de Starsis, la guilde adepte des déséquilibres. Fideus sortit instantanément son paquet de cartes, Bardop encocha une flèche, Mysthys dégaina son Marteau d'Eclat et Ghurn invoqua Bohr. Les ennemis avaient déjà dégainé et les avaient prit plus ou moins à dépourvu, ils avaient l'avantage tactique.

<<Ah, les fameux "Six" tous réunit pour leur funérailles. Si ce n'est pas une aubaine ! ricana un Xélor.

Ferme-la, Hog, répondirent du tac-au-tac Bardop et Fideus.>>


Puis la bataille débuta. Les Starsisiens se jetèrent sur eux avec férocité. Fideus arrêta net la charge d'un Iop en lançant très précisément son dé rebondissant en plein sur le front, d'un coup sec et puissant. Ce dé rebondit violemment sur une Pandalette qui fut désarçonnée un instant. Cette pauvre Pandalette fut de plus criblée par Bardop d'une pluie de flèche chercheuse, profitant de son inattention. Ce dé continua sa route violente en passant sur Hog et finit en plein sur leur Eniripsa aux yeux rouge. Ghurn profita de la confusion qu'avait provoqué Fideus sur le flanc droit pour lancer une pelle sismique à son phorreur, qui la renvoya parfaitement sur les ennemis. Hog, la main sur le nez, s'apprêtait à faire une réflexion sur la puissance de l'Ecaflip, mais il mangea le métal du marteau de Mysthys, en même temps que la Pandalette.
Mysthys vit un espace pour passer entre les ennemis et rejoindre le Féca. Elle s'y engouffra sans attendre, voyant le Féca et Heolko prit contre quatre ennemis ! Malheureusement, c'était sans compter sur les réflexes de la Pandalette amochée. Elle l'attrapa par les pieds et la jeta dans la fosse aux ennemis.
Ghurn bloquait les coups lui arrivant sur la caboche grâce à sa solide pelle, le Phorreur faisant également office de leurre. Fideus esquivait avec talent, mais se fit toucher par les impacts du Iop. Bardop s'était fait plaqué par un Sacrieur assoiffé de sang, et Mysthys était bloqué entre un Eniripsa, un Ecaflip et un Féca.
Pendant ce temps, Heolko se rendit invisible, laissant le Féca seul à encaisser tout les assauts des assaillants. Celui-ci avait tout de suite appliqué une armure protectrice et avec le bracelet de puissance en avant, il encaissait les coups de butoir des ennemis.
Sur le front de Mysthys se dessina une énorme veine colérique.

<<BORDEL DE M**** ! hurla-t-elle, en éclatant le visage de l'Eniripsa d'un coup de marteau.

La rage te va si bien, blondie, déclama Hog en faisant apparaître son cadran.>>


Le Xélor n'avait que faire de son soigneur, quasiment agonisant après le coup rageur de Mysthys. Il jubila alors que la blonde aux yeux bleu fut désarmée par l'Ecaflip, tandis que le Féca lui faisait une clef de bras. Son marteau tomba à terre, hors de portée. Elle tenta de se dégager mais elle n'avait aucune chance de s'échapper. Tout les Shibiens avaient parfaitement compris que c'était le Meneur qui était visé. Ils se battaient comme des beaux diables mais étaient toujours retardé.
Le Féca avait à présent un genou en terre, totalement essouflé. Il voyait qu'Heolko tailladait le dos de ses ennemis, mais les plaies qu'il parvenait difficilement à produire n'étaient guère suffisantes pour les ralentir. Même si les ennemis savaient qu'ils avaient un Sram dans le dos, ils ne s'occupaient que de lui. Les deux Sram contre lui n'arrêtaient pas de l'effleurer avec leurs dagues. Le sang du Féca coulait, du à l'hémoragie qui commençait à être véritablement conséquente et contre laquelle il ne pouvait rien. Les Fécarteaux pleuvaient en représailles des coups que les ennemis lui portaient au corps à corps, mais ils semblaient avoir été bien préparé à affronter ce risque : ils ne bronchaient pas.
Fideus fit s'effondrer le Iop sur une bataille remportée de peu, et disposait à présent d'une chance parfaite pour foncer aider son Meneur. Ghurn commençait à voir le bout de ses propres adversaires, et Bardop s'était dégagé en plantant une flèche dans la gorge de ce fichu Sacrieur collant. Mysthys, quant à elle, avait attrapé une fiole de frayeur à sa ceinture, de son bras encore valide.

<<J'ai plus d'un tour dans mon sac, Hog !>>


Elle envoya la fiole sur l'idiot qui l'avait touché, en la jetant par dessus son épaule. Effrayé de ce qui pouvait se trouver à l'intérieur, il la lâcha sans perdre une seconde. Elle pivota alors sur le côté et récupéra son marteau fétiche à terre. Dans le même mouvement, elle acheva l'enfoiré d'Eniripsa qui se relevait, d'un coup magistral. Le Xélor chargeait son cadran sans prêter attention à Mysthys. Il leur préparait sa spécialité : l'explosion temporelle.
Fideus commença à clore la distance entre lui et son Meneur à toute vitesse. Il tira une nouvelle carte. Soudain, tout devint très lent. Le Féca lança un regard à l'Ecaflip et cria son nom, comme pour le prévenir d'un danger. Comme s'il allait devoir souffrir mais devait continuer d'avancer au plus vite vers lui. D'un coup d'un seul, il reçut une énorme douleur dans le ventre, pareille à celle que lui aurait procuré une éviscération. Il s'arrêta net, totalement paralysé par la douleur, et tomba à genoux. Ses cartes se répandirent sur le sol, seul celle qu'il avait tirée était découverte. Son Meneur fit un mouvement pour se relever et Fideus ferma les yeux, trop occupé par sa propre douleur. Mysthys, très vite neutralisée pour de bon par l'autre Ecaflip, était occupée à se débattre pour tenter de sortir vivante de ce traquenard. Bardop et Ghurn achevaient les derniers ennemis de l'embuscade et ne regardaient plus vers leur Meneur. Mais ils entendirent tous l'armure se briser.


Fideus se réveilla en sursaut. En sueur, il plaqua ses deux pattes sur son ventre, ressentant encore la douleur du cauchemar. La chambre du Pandawa était éclairée seulement par trois torches près du lit. Il tenta de reprendre son souffle et son calme. Il tourna la tête et aperçu Minazuki, à son chevet. Il avait la mine inquiète. Détournant le regard et murmurant un léger "merde", il se sentit encore plus gêné.

<<Cauchemar, mec ?

Ouais...je...je m'excuse de t'avoir réveillé, articula-t-il, les yeux baissés.

Tu remuais dans ton sommeil et tu semblais angoissé. J'ai pas osé te réveiller, mais je t'ai tiré un peu d'eau au puits d'à côté.>>


Minazuki montra le seau qu'il avait monté. Avec un remerciement sincère, il but une gorgée timide : l'eau était gelée. Il eut un frisson dans tout le corps et n'osait plus fermer les yeux.

<<Fid'...C'était quoi ?

"L'Accident.".>>


Minazuki fit une grimace.

<<J'suis là toute la nuit pour toi. Si t'as besoin de quoi que ce soit, tu me réveilles.>>


Alors que Fideus allait répliquer, il ajouta :

<<T'es mon meilleur pote, et t'as besoin d'aide. C'est comme ça que ça marche. Je t'aide, comme tu m'aiderais.>>


Minazuki se leva de son petit tabouret et retourna s'allonger sur la couverture à terre. Fideus se rallongea, ne croyant pas avoir un tel ami. De manière générale, les amis sont là quand tout va bien, pas quand tout va mal. Ou en tout cas, pas les vrais. Minazuki était donc un véritable ami. Leur amitié était très forte, ils avaient tissé des liens robustes, puissants et sincères. Il était véritablement heureux d'avoir un ami comme Minazuki près de lui. Cela le rassurait énormément. Il finit par dormir d'un sommeil plus réparateur, un pâle sourire aux lèvres.

_________

<<Tu comprends un peu la galère ? fit Minazuki à Eraldiel.>>


L'Eniripsa avait écouté le récit du Pandawa avec attention. Il était très ému par ce qu'il avait entendu et était bien décidé à aller retrouver Fideus pour discuter.

<<Vous êtes quelqu'un de formidable, Minazuki. Je ne pense pas me tromper en affirmant que Fideus a de la chance de vous avoir.>>


Le Pandawa regarda ailleurs, un peu gêné.

<<Alors, toi, tu l'aimes aussi ou c'est totalement mort ?>>


La question lui brûlait les lèvres depuis une semaine. Voir Fideus dans cet état ne lui plaisait pas du tout, et il espérait qu'Eraldiel accepte de le revoir. L'Eniripsa prit un petit temps de réflexion. L'amour sincère de Fideus le touchait grandement, et il n'était pas insensible à son charme.

<<Je voudrais le voir, dit l'Eniripsa. Vous savez où il est ?>>


Le visage du Pandawa s'illumina. Il se leva rapidement et demanda à Eraldiel de le suivre. Peut-être que cette période si malheureuse pour son ami allait laisser le pas à une période plus joyeuse ? Il emmenait Eraldiel à la Passe d'Armes, un pont marchand un peu plus spécialisé dans la vente d'armes en tout genre. Ce territoire possédait de nombreuses forges chacune spécialisées dans la création d'armes spécifiques. Des dizaines de personnes se pressaient d'essayer de nouvelles lames ou de manier de gros marteaux. Les vendeurs vantaient les mérites de leurs armes et certains n'hésitaient à brandir leurs plus belles pièces sous le nez des passants. D'ailleurs, un des marchands sauta par dessus son étal et atterrit près d'eux. Il agita alors une énorme épée à deux mains devant eux, la portant à bout de bras.

<<T'as vu cette grÔsse épée petit ? Elle est bien ma grÔsse épée, hein ? Tu la veux ma grÔsse épée, hein ?!>>


Eraldiel levait les mains en signe de refus, alors que Minazuki l'ignorait en le contournant. Le Pandawa voyant que l'Eniripsa ne se ferait pas lâcher avant d'avoir accepter d'acheter la "grÔsse épée", vint à son secours. Il indiqua au marchand d'aller montrer son attirail à d'autres gens, puis fit un signe de tête à l'Eniripsa, qui bougea enfin. Le marchand bougonna alors sur "la crise" et reprit place derrière son étal. Ils arrivèrent finalement devant la forge d'armes de contact. Le bâtiment n'était pas imposant du tout, il ne pouvait pas y avoir grand monde à l'intérieur. Eraldiel regarda Minazuki, qui s'était arrêté. Le Pandawa fit une révérence, l'incitant à entrer sans lui. Eraldiel hésita un instant puis franchit le pas de la porte.
Si l'hiver régnait au-dehors, ici était son opposé. La chaleur importante des fours maintenait une température intérieur bien au-dessus des normales de saison. Des normales de saison d'été. Il n'y avait que trois enclumes différentes dans le bâtiment et une seule personne travaillant. Les impacts du marteau de forgeron résonnaient, les métaux à tordre ou fondre disposés dans un angle. L'Eniripsa n'osait pas déranger l'Ecaflip en plein travail. Mais il fallait bien qu'il se décide à engager la conversation. Il retira sa coiffe du tofu, ayant bien trop chaud et la garda en main.

<<F...Fi...? balbutia-t-il.>>


L'intéressé n'avait sûrement rien entendu, continuant de marteler un morceau de métal inconnu à l'Eniripsa. Fideus était habillé d'un tablier de cuir pour empêcher les étincelles de le brûler, ainsi que les éclaboussures de métal en fusion. Par contre, son dos était parfaitement exposé.

<<Fideus ? retenta-t-il, un peu plus sûr de lui.>>


L'outil arrêta d'effectuer son travail. L'Ecaflip tourna la tête vers l'Eniripsa et le reconnu. Immédiatement, il lâcha son marteau, surpris au dernier degré. Le sourire qui se dessinait lentement sur son visage se transforma bien vite en une horrible grimace : son outil de travail était tombé sur son pied droit. Encore plus immédiatement que lorsqu'il avait lâché ce foutu marteau de malheur, il se mit à sautiller dans l'atelier, la bouche grande ouverte. Aucun son n'en sortait, mais, il souffrait, c'était sûr. Eraldiel, la main devant la bouche ~(Ouuups !)~, mit quelques secondes à appréhender la situation. L'Eniripsa se répandit en excuses, n'osant pas s'approcher de l'Ecaflip. Il sortit sa nouvelle baguette, flambant neuve et la pointa sur Fideus. Il tentait de viser, tandis que l'Ecaflip gigotait dans tout les sens pour tenter de calmer la douleur. Eraldiel lui demandait de ne plus bouger, mais c'est à peine s'il l'écoutait. Enfin, le soin lancé par l'Eniripsa atteint la bonne cible qui se sentit soulagée à la seconde suivante. L'Ecaflip se calma, reposa le pied à terre et soupira un grand coup.
Minazuki entra à ce moment, attiré par le tumulte. Il jeta un coup d'oeil au marteau à terre, à l'Ecaflip et à l'Eniripsa, brandissant toujours sa baguette.

<<Se passe quoi, au juste ? demanda-t-il aux deux autres.>>


Eraldiel et Fideus voulurent répondrent en même temps et s'emmêlèrent chacun dans le discours de l'autre. Lorsque l'un commençait, l'autre jugeait bon d'y aller pile en même temps. Ils échangèrent les politesses pour laisser la parole à l'autre, toujours dans le même timing. Ce manège les faisait tout les trois sourire mais le Pandawa décida d'y mettre fin.

<<Non, mais c'est bon, laissez-tomber., fit-il en secouant les mains, abandonnant sa question.>>


Puis Minazuki regarda l'Ecaflip et baissa les yeux un peu plus bas.

<<Hey, mais...! C'est toi qui m'a tiré mes Sandales Koliques ! s'écria-t-il.

Heu...C'est que c'est plus pratique pour la chaleur que..., commença Fideus.

Laisse tomber, on s'expliquera plus tard...J'vous laisse...>>


Il disparut aussi vite qu'il était venu, laissant Eraldiel et Fideus dans un silence gêné. L'Ecaflip décida de retirer le bout de métal tordu du feu, et le posa dans le tonneau d'eau. L'eau refroidissait la lame rapidement, mais s'évaporait vite. Puis il se retourna vers l'Eniripsa, avec un sourire se suffisant à lui-même. Eraldiel lui sauta alors au cou, le prenant dans ses bras frêles, restant à hauteur de sa tête grâce à ses ailes.

<<Je suis si désolé pour ce qu'il se passe dans ta vie, Fideus ! Si tu vas mal, c'est de ma faute ! Je n'aurais pas du...

C'est moi le crétin dans l'affaire, rétorqua l'Ecaflip retournant l'accolade.>>


Eraldiel le serra encore un peu plus fort. Ils allaient à présent faire chacun des efforts pour que tout se déroule bien. D'ailleurs...

<<Diel..., commença l'Ecaflip en fronçant légèrement les sourcils.

Oui...? répondit une petite voix nichée dans le creux du cou de son interlocuteur.

Tu viens juste de me tutoyer, fit-il avec un sourire carnassier.>>Page précédentePage suivante