L'Espoir (Partie 1) - Les Carnets 3 abonnés

16. Chapitre 16 : Fragments d'Histoire13

Le Ralentissement explosa, au sens propre. Des fragments acérés du sortilèges percutèrent les combattants. Là où l'armure de Rhigalt ne subit même pas une éraflure, les habits de l'autre n'opposèrent aucune résistance.

«Bonsoir. Je cherchais un féca et j'ai senti que je marchais bien lentement. Vous aurais-je dérangé?»

Un féca au visage ouvert et sympathique se tenait sur le reste d'une bâtisse effondrée. Ses cheveux platine, lesquels tombaient en piques anarchiques autour de sa tête, touchaient presque le plafond de part sa taille : il était en effet plus grand que la moyenne; on lui donnait vingt-ans. Son âge ne l'empêchait pas d'offrir une attitude arrogante mais dissimulée par son apparence affable. Ses yeux qui observaient la scène pour déterminer le noms des combattants se rapprochaient de l'orange et soulignaient son tain cuivré qui lui donnait l'impression de revenir des plages de Sufokia. Le bracelet typique de sa classe encadrait son poignée gauche alors que l'autre était nu. Une armure légère en maille se devinait sous ses habits couleur flamme de disciple de Féca. Des sandales de cuir au reliures rubis semblables à celles des pandawas protégeaient ses pieds de la boue et de la poussière. Sa Ceinture Multe laissait pendre une Hache de Grou.

Le Chef des Gardes comprit ce qui s'était passé et son œil violet caché par son masque bleu et gris cligna : son sortilège étant calibré pour arrêter le temps aux alentours, il n'avait pas pris en compte la présence du nouvel arrivant. Le Ralentissement avait donc été un cheveu trop faible, ce qui avait permit à celui qui n'était pas visé de le rompre. Heymez tenta de s'enfuir. Erreur. Trois Sinistros bloquèrent son passage. La douleur typique de la pénétration d'une arme dans sa chair lui indiqua qu'il venait de se faire transpercer l'épaule droite.

«Toi, tu ne pars pas! Et vous, là haut, je vous déconseille de bouger!»

Un froid incommensurable engourdissait tous les membres du mercenaire. L'arme bipolaire du Chef des Gardes rongeait son énergie vitale. Il ne s'aperçut pas qu'il s'effondrait par terre. Le froid disparut lorsque son adversaire retira son aiguille mais la vitalité volée l'était toujours.

Le nouveau venu détailla le xélor. Son œil cligna :

«Seriez-vous Rhigalt? Le grand Chef des Gardes?
-En effet. Je n'ai pas l'honneur de vous connaître.
-Deyjin, disciple de Féca et sous-commandant de l'Armée pour vous servir.
-Que fais-tu ici, Deyjin, l'interrogea le Samoussaï en pointant son aiguille sur lui.
-Je pourrais vous retourner la question.
-Ici, c'est moi qui commande! Que fais-tu ici?!»

La question fut appuyée par le rapprochement de l'aiguille que le féca avait vu à l'œuvre.

«Je cherchais quelqu'un. De ma classe. Taille moyenne, cheveux jais, yeux gris, visage fermé, maître de l'eau. Il s'appelle Saurek.
-Jamais vu, l'informa Rhigalt en écartant sa lame. Par contre, tu aurais une chance en allant voir des amies : marche jusqu'à la vieille Milice puis attends. Je crois bien qu'elles avaient parlé d'un féca, sans plus de précision.
-Merci. Puis-je faire quelque chose pour aider mon Chef des Gardes?
-Ça dépend. Si tu connais quelqu'un qui peut lire des langues runiques oubliées, alors tu peux.»

Le xélor ne comptait pas l'informer que le journal contenait selon Evayn un parchemin écrit en éliatrope et non-traduit qui décrivait la cachette où dormait Fatale depuis plus de 1000 ans.

«Un vieux dingue d'Histoire donc...Il y a Leluche, un taré bontarien qui habite au fin fond de la forêt de Tonkult à Bonta, sur le bord de la plage. Avec un peu de menace, il sera tout disposé à vous aider.
-Merci de ce conseil. Au fait, pourquoi cherches-tu ce féca?»

Celui qui avait une Hache de Grou daigna répondre en partant :

«C'est mon frère.»

Un rire perturba le Samoussaï alors que l'autre s'en allait et disparaissait dans la Milice. Le crâ riait à s'en briser les cotes. Bien qu'il crachât du sang, son hilarité ne cessait pas :

«Leluche, se marra-t-il entre deux effusions de rire.
-Eh bien quoi? Que sais-tu?
-Rien de plus que vous. Hahahahaha! Leluche! Jamais engager un Encapuchonné ou sa sœur! Leluche! Hahahaha!
-Que sais-tu?!»

Un doute s'infiltra dans son esprit :
« M'as-tu désobéit il y a quinze ans? L'AVEZ-VOUS TUÉE? QU'EN AS-TU FAIT?!»

Heymez n'offrit aucune réponse autre que son hilarité croissante. Hors de lui, Rhigalt lui asséna un coup furieux qui traversa sa tête et la coupa comme un melon trop mûr. Sa rage l'empêcha de remarquer les tâches roses qui dégoulinaient de son aiguille : une partie du cerveau explosé de l'ancien Encapuchonné était resté sur la lame.

«Les éléments concernant ce sceptre sont très rares. Daniel, tu dois savoir que tu avais à peu près autant de chance de trouver Ösrigur que de gagner un millions fois d'affilé à Pile ou Face avec Écaflip et ses dés truqués. Il se laisse manier très rarement. Très très rarement. Une centaine de fois maximum depuis la genèse. Et peu importe de quel culte. Je te parle ici de la genèse originelle. De l'apparition des Quatre Forces.
-Je savais que tu étais vieux mais là...
-Vicky... Retiens-toi un quart d'heure! Revenons au sujet. La thèse que je t'exposerai est vieille comme le monde. À toi d'y croire ou non. Sache juste qu'elle explique en partie l'univers. Tout le monde, y compris les iops et les imbéciles, connaît les deux constituants majeurs du Krosmoz. Le Wakfu et la Stasis. La Déesse Éliatrope et le Grand Dragon. Ce sont des deux Quatre grandes Forces. Les deux autres sont méconnues. Leurs noms se sont perdus avec le temps et les rares ouvrages qui en parlaient ont été brûlés ou enfouis si profondément qu'il est impossible de les retrouver. Toujours est-il que ces Quatre Énergies ont créé le monde. Elles se sont petit à petit incarnées dans des formes célèbres. Là où le Wakfu et la Stasis n'étaient que des fluides jaillis du néant, ils ont pris les formes que j'ai citées. Les particules ont commencé à se former. On t'a sans doute affirmé que les deux composants connus annihilent réciproquement. C'est en fait un peu plus compliqué. Demande à un scientifique, il t'expliquera tout bien mieux. Wakfu et Stasis sont comme des aimants : ils s'attirent. Leurs rencontres se soldent par une désintégration mais ils cherchent autant à se rencontrer qu'à se fuir. Il faut bien que tu comprennes que ces Forces sous leur état actuel ont évolués : elles ne dépendent plus des entités originelles. Tuer la Déesse pourrait porter un coup au Wakfu mais ne supprimerait en aucun cas cette Énergie. Mais je m'égare : il se trouve que dans certains cas, la rencontre explosive des deux Forces n'offre pas que du néant. Aux origines, le Krosmoz est né de leur fusion. La dense des deux entités a permit l'union de leur Forces. Des particules sont apparues puis se sont agglomérées. Ainsi les planètes se sont formées. Ainsi la vie s'est formée.
L'unes des premières civilisations à voir le jour fut celle des éliatropes. Nés des dofus dragons, ils se sont élevés jusqu'aux cieux. Trop haut. L'immortalité de six d'entre eux et leur talent les aurons conduit à leur perte. Ils furent rayés du Krosmoz. Il ne reste rien d'eux. Rien d'autre que de très rares ouvrages bien abîmés mais qui sont notre seule source d'information. On y trouve des informations sur leur vie. Et notamment sur le Wakfung, j'y reviendrai.
-Je savais que tu ne tarderais pas à en parler, plaisanta la pandawa.
-Un quart d'heure!
-Et c'est moi la xélor...
-Inutile de faire cette tête de chien battu, je te connais. Où en étais-je?
-Aux éliatropes.
-Ah oui. C'est à cette époque qu'Ösrigur entre dans l'histoire. Il semble aussi vieux que le Krosmoz. Personne n'a réussi à le dater avec exactitude. C'est comme s'il existait avant tout le reste. On en entend parler dès les débuts de ce peuple. L'Énergie qu'il contient paraît illimitée. Ceux qui se sont penchés dessus estiment qu'elle est infinie ou du moins qu'elle durera aussi longtemps que le Krosmoz vivra. Les disciples du Wakfung le considèrent comme l'arme ultime, et ils n'ont pas vraiment tort.
-Ogrest sera joyeux le jour où tu diras qu'ils peuvent se tromper.
-Tsss, je vais regretter ma bonté...
-Tu ne peux pas te passer de moi, tu m'adores trop.»

Victoire offrit un grand sourire au guérisseur.

«Au moins autant qu'un chacha aime les prespics. D'autres considèrent Ösr...
-Tu es qui? Le chacha ou le prespic?
-S'il te plaît! Dix minutes! D'autres, disais-je avant que notre folle-assassine-sram-rebelle-adorée ne m'interrompe, pensent que c'est un cadeau divin. Quoi qu'il en soit, il est apparu dans plus de huit fois sur dix à cette époque. Les cas où elle se lie avec son Porteur sont extrêmement rares. Bien plus souvent, celui ou celle qui manie l'arme n'a accès qu'à un infime échantillon de la puissance. Il semble que son Porteur cherche à assurer un avenir pour tous. Je sais, c'est étrange mais il y a si peu d'éléments que tout n'est que suppositions. Cette arme débloque en ceux qui la manient une puissance inédite. Elle offre à son possesseur une longévité naturelle hors du commun.
-C'est à dire?
-On ne l'a jamais prouvé mais ses possesseurs qui se sont intéressés aux effets avancent que cette durée de vie approche l'éternité.
-Comment ça "avancent", releva la pandawa.
-En fait...
-Tu as un don pour terrifier les blessés, Lel.»

L'apprentie désigna le blond dont la tension avait monté progressivement.

«Tu es aveugle au point de ne pas voir son stress? Tu m’as expliqué toi-même qu'il faut éviter à tous prix de surcharger l'esprit d'un malade!
-Ne t'inquiète pas!
-Tu te rends compte qu'un prophète de l'apocalypse serait plus joyeux?
-Il est lié à Ösrigur. Il doit savoir. Je reprends : c'est à la même époque que les premiers éléments concernant une hypothétique sœur jumelle du sceptre commencent à être écrits. Elle se révélerait presque toujours dans la même décennie.
-Presque?
-Oui. Dans une vingtaine des cas, l'une des deux armes aurait été trouvée mais pas l'autre. Les conséquences ont été durables et, d'après les écrits, bénéfiques. Cependant, en s'intéressant aux auteurs, je suis convaincu que ce ne sont que des fariboles inventées par des personnes malhonnêtes hélas entrée en possession du sceptre et qui cherchaient à assoir leur pouvoir.
-Et moi dans tout ça?
-Comme tu me l'as dit, Ösrigur s'est lié à toi. Les circonstances exactes ne comptent pas tant. Tu arrives à le faire plus ou moins apparaître et disparaître à volonté? Si c'est le cas, tu as de la chance. Des milliers - des milliards - de membres de toutes les classes se damneraient pour n'avoir ne serais-ce qu'un centième de l'énergie que tu possèdes grâce au sceptre.
-Pas vraiment à volonté. Être lâché à dix mètres du sol...
-Et Lel ne m'a toujours pas félicité, bougonna Victoire.
-Vous disiez que l'on pensait qu'Ösrigur offre une durée de vie énorme. Personne ne l'a jamais prouvé?
-Lorsque le sceptre Inespéré ne se lie pas, cette longévité approche cent ans. C'est déjà énorme.
-Et quand il se lie, redouta Daniel.
-Eh bien...
-Dis-le Lel! Tu es plus énigmatique qu'un sadida endormi!
-En théorie, le sceptre te donne assez d'énergie vitale pour vivre jusqu'à la fin des temps. En pratique... les Porteurs finissent par disparaître mystérieusement ou bien par être tué durant le siècle qui suit la découverte du sceptre de la main d'un assassin mandaté par des personnes gênés des actes d'une des deux armes.
-Quoi?!
-Eh! Un seul texte décrit l'avenir de deux Porteurs liés! Rien sur les autres! Tout le reste est ce qui est arrivé aux non-liés! Et puis sur une dizaine de fois, il a un début à tout! Et puis, aucune de ces armes ne s'est liée depuis le Chaos! Nous sommes dans une nouvelle ère!
-Assez de malheur pour aujourd'hui, décréta la pandawa en tenue blanche. Lel, espèce de corbac, si tu reparles une seule fois de ces histoires avant demain, je t'étrille.
-D'accord... On mange?
-Un vrai estomac sur pattes.
-Une vraie boîtes à sarcasmes. Tu verras, Daniel : en apprentie, il n'y a pas plus horrible. Mais en dehors, ça a ses avantages pour faire taire une personne dérangeante. Allez, ma petite pandawa, tu viens m'aider pour le repas?
-Tsss, si vieux qu'il ne peut plus se préparer à manger lui-même.»

Le Porteur était perdu dans ses pensées moroses. Il acquiesça sans conviction. L'autre jeune lui rendit un sourire pétillant de joie et d'affection avant de suivre celui que l'on surnommait l'Altruiste. Le regard du blond se fixa sur une silhouette qu'il apercevait par la fenêtre. Un homme au visage pur mais sans âge, aux longs cheveux bleu ciel, vêtu d'une tunique traditionnelle simple assortie à la mer qui se trouvaient derrière lui et aux yeux d'un saphir aussi clair que lumineux le regardait, debout sur la plage. Un collier fini d'une fleur pendait à son cou et brillait doucement. Une chevalière familière au blessé ornait sa main droite. Une cape chutait dans son dos pour s'arrêter un peu avant le sol et ondulait comme ses mèches de cheveux sous le vent léger. Le plus improbable était le sceptre aux runes dansantes qu'il tenait négligemment dans sa main gauche gantée.

«Viens cuisiner! Ça te changera les idées, proposa la pandawa.
-D'accord.»

Il aurait juré voir l'apparition lui faire un clin d'œil.

«Viens! Tu es presque aussi lent que ce vieux gâteux de Lel!
-J'ai tout entendu!»

Il n'y avait plus personne sur la plage. Il devait rêver. Il suivit Victoire, un drôle de baume sur le cœur.

Wayter tournait en rond. Des rapports s'accumulaient sur le bureau, devant lui. Le premier provenait de son espion au sein de Sufokia. Ces arrogants sous-civilisés se donnaient le droit de s'armer plus que convenablement. Leurs forêts sombraient dans les flammes de l'industrie. Le métal était plié et replié sur lui-même des centaines de fois dans les forges. Leurs guildes s'alliaient et engageaient leurs troupes dans l'exploitation des ressources. On ne pouvait qu'imaginer ce qui se passerait lorsque la guerre inévitable serait déclarée. La flotte sufokienne s'organisait et se militarisait à une vitesse incroyable. Les mutins de Poup étaient en...

Il cessa de songer au premier compte-rendu. Des yeux plus glacés que ceux d'un sram le fixaient du fond de la pile. Le second n'était en effet guère mieux : Amakna se perdait et ce, bien trop vite. Une attaque céleste mystérieuse mettait à feu et à sang tout le continent. Rien ne pouvait l'arrêter. Et Moiq s'était mis en tête de partir en croisade contre un vulgaire Hors-la-loi. Rien n'allait plus... Le troisième annonçait sobrement que les coffres du Gouvernement se vidaient. Ça, l'écaflip savait comment y résoudre. Le peuple paiera pour ses fraudes fiscales. Le quatrième rapport prouvait qu'une révolte couvait, lentement mais sûrement. Le cinquième ...

Le cinquième s'embrasa. Comme le reste de la pile. Une paire de dés retomba sur le carrelage. Un énutrof entra dans le bureau.

«Bonsoir monsieur. Voici les derniers rapports.»

Tyuer, le Trésorier, voulut ressortir. La voix sèche et rageuse du Gouverneur l'en dissuada :

«Non. Tu restes. Explique-moi pourquoi nos coffres se vident-ils.
-Les brâkmariens fraudent au delà des limites autorisées, les dépenses augmentent, la...
-Tais-toi!!! Quelles dépenses augmentent? Et quand as-tu autorisé la fraude?
-J'ai été forcé de le faire monsieur. Les grandes guildes menaçaient de s'allier contre nous pour nous renverser et...
-Assez! Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé? Ça se voit sur ton visage... Oui, tu espérais me renverser, n'est-ce pas?
-Non mon Gouverneur. J'ai pris les mesures qui s'imposaient pour...
-Ne change pas de sujet, lâche, hurla Wayter. Quelles dépenses augmentent? Répond!
-L'armement, les Challenges et...
-Va chercher Ilof. Ne lui dit rien de plus. Et demande lui de prononcer les "e"!»

Tyuer sortit en courant à moitié, trop heureux d'échapper â la fureur paranoïaque de l'écaflip. Peut lui importait si le Challengeur allait en faire les frais.

Une fois qu'il fut dehors, le chef du Gouvernement marmonna :

«Et Gorgan qui ne revient toujours pas... J'espère au moins qu'il me rapportera de bonnes nouvelles... Et Rhigalt qui ne me dit rien sur ses recherches... Où est-il d'ailleurs? Et puis cette révolte des guildes...»

Ilof, fou comme tout zobal un jour sur trois, entra :

«Vous m'avez fait demander?
-Ne bouge pas ou mes Pupuces s'occuperont de toi! Alors, il paraît que tu dépenses une fortune en challenges?
-Boah, c'qui faut pour l' peuple. Un p'tit concours par ci, un p'tit concours par là.
-Et les coffres, hurla le Gouverneur. Tu y as pensé aux coffres? Tu n'as pas de budget illimité!
-J'savais pas moi! Votr' trésorier n' m'a jamais parlé de ça!
-Oh que si! Il t'en a parlé. Mais tu t'en moquais pas vrai? Tout ce que tu voulais, c'était me ruiner n'est-ce pas? N'est-ce pas?!
-Non : moi j'voulais juste m'marrer. Tant qu'j'y pense, j'organise un p'tit bal. Vous n'voudriez pas v'nir?
-Qui te paye? Pourquoi veux-tu me ruiner?!
-C'est vous qui m'payez bien sûr, répondit Ilof. J'veux pas vous ruiner, j'veux juste qu'tout le monde soit content. Alors ce bal? Vous voulez v'nir?
-NON!!! Tu me dois une fortune! Qui t'a engagé???
-Ben vous! J'vous l'ai déjà dit. Si je vous rembourse, vous v'nez?
-Et comment payerais-tu? Abruti! Traitre! Fourbe! Salop!
-Eh ho! Soyez poli! Si vous v'nez pas, je proposerai à Joer.
-Non je ne viens pas!»

Wayter était hors de lui. Il allait commettre un acte irréversible lorsqu'une idée le traversa. Un bal. Des places à donner. Rhigalt qui se montre trop mystérieux. Et si c'était là une occasion inespérée de prendre le xélor sur le fait? Et si c'était lui le traitre?

«Pardon, simula l'écaflip. Je suis un peu stressé en ce moment.
-Vous en faites pas, j'connais ça. Y a des masques qui m'font pareil. Vous pouvez v'nir?
-Hélas non. J'ai beaucoup trop de travail. Je voudrais bien faire une pose mais... La nation passe avant.
-Juste pour c'tte fois!
-Non, non. Tu l'as dit toi même : on est là pour le peuple.
-Dommage... Ça aurait été super avec vous... Vous pensez que Joer est libre?»

Le pingre lui fit un clin d'œil :

«Vu comme il ronfle, il pourrait casser l'ambiance. Et puis, aucune cavalière ne voudra de lui!
-J'vais prendre Rhigalt alors. Il pourra oublier son boulot.»

Pile ce qu'il voulait.

«Oh non, espèce d'idiot, il ne l'oubliera pas, surtout pas, songea Wayter.»

Il prit une toute autre rhétorique à l'oral :

«C'est un très bon choix. Dit-lui juste de ne pas se rendre au bal seul, si tu vois ce que je veux dire.
-Pas de soucis. Au pire, j'lui en trouve une. Col'tte, la meneuse d'l'Alpha, ira bien.»

Une fois que le Challengeur fut sorti, le Gouverneur écrivit nerveusement. La somme prélevée pour cette fête était énorme mais il ne cilla pas. Elle allait vider les coffres. Rhigalt paiera très cher s'il était coupable.

Et dans le cas contraire?

«Ta gueule Endanicon, hurla la sadida en fouettant le visage de l'osamodas avec une ronce tenue de ses mains.
-Je t'assure que le iop t'a appelé après avoir vu ce rocher gluant! Il est encore plus idiot que prévu vu qu'il ne veut parler qu'à Dah! Mais bon si tu préfères abandonner le couillon qui a l'œuf...
-Va le chercher toi-même abruti! Et je m'appelle Dahlia Physia Sharm!


Un Gobgob lancé - presque habituellement - en fronde par Asmoz s'écrasa sur le visage de Dahlia Physia Sharm.

«Tu tapes pas mon Endanichou!
-La prostituée rapplique...
-Asmoz tes explications!
-De quoi?
-À se demander qui est le iop, s'exaspéra l'hystérique.
-Dah vient!
-NON!!!
-Des explications pour les accusations de Dah!
-Dahlia Physia Sharm abruti!
-T'insulte pas Enda!
-Oh, ce Gobgob fait si mal...
-Ne change pas de sujet Asmoz Von Madgyc! Qu'as-tu à répondre?
-Qu'elle y a pris beaucoup de plaisir?
-Quelle fût la folie qui me poussât à le joindre à ce groupe de fous, souffla --- dépité.
-Elle arrive quand Dah?
-Dahlia Physia Sharm couillon!
-Ça ou Dah c'est pareil.
-Quand elle sera mature.
-Typique des putes cette réplique.
-Asmoz Von Madgyc regarde-moi!
-Je te jure que j'ai rien fait mon chou! C'est cette folle qui...
-C'est quoi "mature"?
-Il eût mieux valu que vous ne posassiez point cette question.
-T'occupe!!!
-De quoi?
-Toujours aussi conne hein la pute?!
-C'est pas moi!
-Si c'est toi qui m'a trompé!
-Je parlais à Dahlia!
-Dahlia Physia Sharm connasse!
-Dah tu viens?
-Je vous suggérasse de vous rendre auprès de ce disciple de Iop afin de nous épargner une longue discussion.
-Le snob ta gueule!
-Dah... Dahlia Physia Sharm vas le voir le temps que je démonte Asmoz avec mon craqueuleur!
-T'as toujours pas le niveau!»

Progressant tant bien que mal malgré leurs confrontations incessantes, le groupe anormalement constitué parvint dans un grotte immense. Le sol se trouvait si loin que l'idée de jeter un autre des membres du groupe traversa les aventuriers improvisés. Des passerelles de pierres reliaient plusieurs zones de la pouponnière slek.

«Dew tu peux nous ramener l'œuf que tu as ramassé par terre?
-Tu vois que tu t'intéresse plus à lui.
-La prostituée a été percée à jour.
-Eût-il fallu que je vous suppliasse de stopper vos fariboles pour que les échos de vos conflits ne retentissent pas jusqu'aux confins de cette grotte et n'alarmassent point les ovipares autochtones.
-Gné?
-C'est trop compliqué pour une hystéro.
-Madame Von Madgyc, tu vas me répondre!
-Dah! Viens! Une bébête me pique mon truc marron.
-C'est un œuf!
-Aidassions-le! Des sleks cherchent à lui reprendre l'œuf.
-Tatayoyo, chargea l'osamodas féminine.
-Ne bouge pas, la retint - en enroulant son bras sur son coup - son homologue masculin. Dah je te préviens, si tu mens, c'est ton tour!»

Tandis que l'énutrof volait au secours de ses intérêts, la sadida préféra frapper Endarin Telakor qui venait de bafouiller son nom une fois de plus (ce qui eut la fâcheuse conséquence d'épargner à Asmoz une mort par asphyxie involontaire). Le frappé répliqua par un coup de poing qui traversa une bloqueuse pour déformer le nez. Dahlia attrapa sa poupée la lança sur l'osamodas.

«Vilaine bébête! Merci! Joli caillou!
-Un éboulement, hurla l'énutrof en se jetant sur l'œuf.
-Ça c'est la connerie d'Enda!
-Ta gueule j'essaye d'engueuler d'Asmoz!
- Missions-nous à l'abri!
-C'est gentil de me mettre ton Gobgob sur le visage pour me protéger mon chou.»

Par un affreux miracle, tous les membres du groupes étaient, hélas, sains et saufs. Ils s'extirpèrent de l'amas rocheux sans cesser leurs injures puis en extirpèrent Dew. Le disciple du dieu si radin remarqua que toute retraite était impossible et osa proposer de faire une halte pour la nuit qu'ils ne voyaient pas :

«Tais-toi Snoby!
-Je n'eusse fait qu’émettre l'hypothèse concernant la nuit. Il eût été préférable que nous montassions les tentes afin de nous reposer.
-Je suis pas fa...
-Laisse Dahlia, il a raison.
-Dahlia Physia Sharm!»

Le surnommé Snoby ne tenta même pas d'organiser des tours de garde. Ils ne le savaient pas, mais cet éboulement les avait protégés. Bahamer allait devoir faire un détour.

Les derniers rayons du crépuscule illuminaient l'étendue d'eau. Dans le bruissement d'une barque voguante, le roublard se rapprochait de sa destination. Les planches avant touchèrent la falaise rocailleuse qui la surplombait de toute sa hauteur - elle égalait aisément les tours du château de Vampyro. La barque de pêcheur venait de percuter en silence une paroi rocheuse haute de plusieurs mètres. Le passager fit un signe au duo de pêcheurs; ceux-ci acquiescèrent. Ce roublard arrivé à la nage avait su les convaincre de l'aider et de ne rien divulguer aux autorités : ils avaient besoin d'argent. La bourse de Kamas qu'avait fait miroiter le Hors-la-loi avait été empilement suffisante. Les pêcheurs se tenaient prêts à repartir.

Le disciple de Roublard sortit deux pieux dont la forme évoquait une pelle très courte. Il les planta dans le roc avec quelques difficultés. Il enfila ensuite des gants spéciaux pour ne pas se blesser les mains : il connaissait la verticalité de la falaise et grimper à mains nues ne l'aurait pas aidé puisqu'il n'y avait aucune vraie prise. Les rares irrégularités de la roche pouvaient supporter son poids mais ses bras risquaient de lâcher s'il prenait son attirail - dont il avait absolument besoin. De plus, la voie qu'il avait déniché des années auparavant l'obligeait à zigzaguer et à perdre plusieurs heures précieuses. Une corde était accrochée à sa ceinture. Du fil incassable. Du matériel d'expert. L'homme fit un second signe aux pêcheurs avant de monter contre la paroi, ses deux pieds posés sur ses pieux.

La barque s'éloigna. Le bandit dégaina deux dagues et les plaça dans ses bottes. Empoignant une autre paire, il débuta son ascension. Il avait conscience que la technique qu'il employait laissait des traces et, hélas, ne lui permettait pas de monter au sommet. Il n'avait pas parcouru un cinquième du chemin lorsqu'il atteignit une autre partie du roc. Bien plus solide. Le roublard tenta de trouver des prises valables : son ancien repérage n'était pas erroné, les voies classiques ne seraient pas suffisantes. Il soupira et tenta d'accrocher son grappin. Rien. Rien non plus en amont. Le Hors-la-loi n'avait plus le choix. Il regarda à droite : rien d'autre que l'angle de la falaise et l'océan; à gauche la minuscule corniche qu'il allait devoir utiliser et, encore plus loin, une zone recouvert de végétaux. Très loin à gauche.

Iclafipartare sauta sur sa gauche sans hésiter. Parvenu au point culminant de son jeté, il dégaina et projeta son grappin sur la corniche. Il se balança en prolongeant son saut dans un arc de cercle parfait. La prise du grappin craqua. Le vainqueur de Moiq crocheta son bras sur la branche de l'arbuste visé. Il grimaça et reprit son ascension durant de longues et lentes heures. La lune lui permettait à peine de voir les végétaux assez résistants pour lui et son arsenal. Il escaladait quasiment en aveugle. De sa position actuelle, Iclafipartare voyait sa cible.

La perte de son ballon l'avait désavantagé sans pour autant le bloquer. Une forteresse avait été construite sur la falaise pour sceller l'alliance avec Brâkmar. Actuellement seuls s'élevaient l'enceinte intérieure et trois tours. L'enceinte extérieure étaient en construction et des tours non-finie se dressaient ici et là. Finie, la place forte aurait permis de tenir un siège ce que la nation rouge craignait à l'époque de l'alliance. Les travaux avaient pris du retard, accentué sous Moiq, et le chantier était dans l'état actuel - sans parler du manque de Gardes dû au fait que l'état des bâtiments n'offrait pas assez de chambres et qui limitait les patrouilles à vingt par nuit. Une petite douzaine de mètres séparaient le pyromane des premières pierres. Il sortit son grappin une fois de plus et tira sur une fenêtre. Avec un cliquetis métallique, l'arme roublarde s'accrocha solidement. Le roublard escalada à la force de ses bras sans se soucier de son déportement sur la droite. Avant même qu'une patrouille le repère, il était dans le futur point fort amaknéen.

Les bombes jaillirent joyeuses de sa cape, de sa ceinture et de son sac. Par moments, il adorait son boulot.