L'Espoir (Partie 1) - Les Carnets 3 abonnés

2. Chapitre 2 : Brâkmar la malfamée3

«Gauche!
-PAF!
-Droite!
-PAF!
-Haut!
-PAF!
-Gauche!
-PAF!
-B...
-J'abandonne!»

Daniel avait lâché ces mots sans même s'en apercevoir. Ses cheveux blonds étaient ruisselants, comme le reste de son corps couverts d’hématomes. La faute aux entraînements intensifs. Les armes étaient émoussées mais elles faisaient quand même assez mal.

«Quoi! hurla Draek, le Maître des lieux. Au cas où tu n'aurais pas remarqué, nous sommes ici dans un Kanojedo. Tu crois qu'il suffit de crier "Au secours, je ne veux plus" pour qu'un adversaire lâche sa lame? Tu crois qu'un bébé comme toi pourra survivre dans un combat?
«"J'abandonne", répéta son adversaire sadida d'une voie enfantine et sarcastique.
-Oh ça va Kun! répondit Daniel
-Comment ça "ça va"? Non ça ne va pas du tout et ça va même empirer pour toi! Ne crois pas que tu veux t'en tirer comme ça. Kun, dit le maître à ce dernier. Donne-lui une raclée.
-Vous êtes sur? Il a quand même abandonné.
-Tape! Et une fois qu'il se sera effondré par terre comme une petite poupée molle qu'il est, ramène-le dans les écuries. C'est sa chambre pour la nuit!
-Tranquilles, vous vous amusez bien avec moi, persifla Daniel entre ses dents.»

Cela faisait trois mois que Daniel était rentré au Kanojedo, trois mois qu'il se couchait à minuit et se levait à trois heures, trois mois qu'il se faisait insulter par ses camarades en raison de sa faible endurance, trois mois que le maître lui réservait les pires tourments, trois mois qu'il était battu à chaque fois qu'il se retrouvait seul, trois mois qu'il dormait presque toujours dans les écuries à dragodindes.

Le lendemain, il avança à contrecœur vers la salle d'arme. Il traversa la cour en longeant ses grands murs couleur sang. Lorsqu'il passa devant la grande porte qui précédait une herse, les gardes le pointèrent du doigt. Certains faisait sembler de s'évanouir de façon ridicule tandis que les autres se pinçaient le nez en lui offrant un grand sourire. Daniel avait voulu apprendre le maniement des armes suite à la mort de sa mère du à un razzia brâkmarien sur son Amakna d'enfance. Ironie du sort, c'était à Brâkmar qu'était le seul Kanojedo qui l'avait accepté.

Il longea le dortoir et vit ses "camarades" lui offrir de grandes grimaces. En arrivant au Kanojedo, il s'approcha de son sabre lorsqu'une voie tonitruante l’arrêta :

«Oh non mon pauvre petit chou. Pas de ça pour toi. Tu pourrais te blesser avec ton talent!»

Daniel se retourna et regarda le maitre dans les yeux :

«Mon talent?
-Oui ton talent. Ou plutôt, ton extrême infériorité!
-Si vous le dites, répliqua calmement Daniel en prenant son sabre.
-Tu m'écoutes?»

Comme Daniel ne daigna pas répondre, le maître attrapa sa tunique au niveau de la nuque d'une main tandis qu'il lui envoyait un violent coup au creux des reins :

«Alors tu veux jouer au plus malin avec moi?»

Sur ce, il le retourna face à lui et lui offrit un magnifique Uppercut digne du Maître iop qu'il était. Daniel s'effondra instantanément :

«On dirait qu'il commence à avoir le même caractère que les dragodindes. Bon cette fois mettez-le dans les égouts et annoncez-lui qu'il y restera jusqu'à qu'ils soient propres.
-Mais, ils n'ont jamais été nettoyés depuis la fondation du Kanojedo, il y a de ça 500 ans.
-Justement!»

Les disciples s’esclaffèrent tandis qu'un domestique chargeait la victime sur son dos.

«Reprenons nos exercices maintenant que nous avons épuré le lot, continua le maitre. Alors Vayfer, contre Ceulliur; Kun...»

Saurek déambulait tranquillement dans les sous-sols de Brâkmar lorsqu'un son attira son attention. Sur sa gauche se détachait la silhouette d'une bande de pillard :

«Alors mon beau féca, on se promène par ici? C'est dangereux tu sais, lança le sram qui semblait être le chef. Ta nounou n'est pas là mon chou?

Les autres hommes éclatèrent de rire.

«Vous avez dix secondes pour partir, répliqua Saurek d'un ton froid et calme.
-Et ça donne des ordres en plus! File-moi ta bourse!
-Trois
-Ben tu va nous faire qu...
-Zéro»

Une vague apparu juste devant eux. La bande fut emportée au loin en un instant. Ils n'avaient rien compris. Pas même eu le temps d'esquisser un geste. Saurek repartit dans les dédales des ruines. Non sans avoir noté qu'au moins un des bandits avait littéralement explosé au contact de sa vague.

Le jeune féca ne semblait pas redoutable, et c'était justement ce qui faisait sa force. Les gens le prenaient pour un adolescent sans défenses. De côté, on pouvait aisément le confondre avec l'un de ces éniripsas qui passait leur temps à faire les boutiques, mis à part sa tenue de disciple de Féca. Il était de taille moyenne mais son visage était bien plus impressionnant, comme taillé dans du fer. Ses yeux gris froid n'étaient pas pour démentir ce constat. Rare était les sourires qu'il s'autorisait depuis que ses parents s'était désintéressé de lui pour son frère. Il serra les poings en pansant à ce dernier. Arrogant, grand, séducteur, il faisait tout son possible pour faire oublier Saurek, y compris jouer avec le feu. Son grand frère préférait l'eau. Coïncidence ou preuve de leur rivalité, les deux théories se valaient.

Le grand cataclysme d'Ogrest avait submergé l'ancienne Brâkmar mais la nouvelle s'était construite sur ses restes. En cherchant bien, on pouvait donc descendre faire un tour des les décombres souterrains de la vielle ville. Saurek connaissait l'un des accès cette vieille ville depuis sa jeune enfance, et avait commencé à s'y aventurer très tôt.

Saurek s'approcha d'un vieux pub miteux qui se décomposait plus vite qu'il ne paraissait. L'intérieur entraperçu depuis la fenêtre était entièrement recouvert d'une toile mauve et gluante.

«Des Sleks, songea le féca en repoussant ses cheveux jais. De pire en pire... A croire que ce pub ne sera jamais qu'un repère miteux. »

En se retournant, il vit des traces boues derrière lui.

«Les miennes sans doute, supposa le féca en remarquant qu'il était seul.»

Plus au loin, se dessinait une forme obscure, écrasé par le sol de la nouvelle Brâkmar. La porte d'entrée était rongée par les termites. Un reste d’escalier semblait partir de l'angle de droite mais le seul passage praticable était les marches sur la gauche de Saurek. Tandis que ce dernier s'y aventurait, un coup formidable l’assomma et le plongea dans une profonde torpeur.

Le Challengeur était épuisé ce soir là lorsqu'il rentra dans la salle. La salle du conseil de Brâkmar était presque vide. Presque. Trois hommes étaient présents, et tant leur comportement - deux d'entre eux fouillaient les coffres et le troisième faisait le gué, un arc contre sa hanche-que leur grande tunique à capuche indiquait qu'ils étaient entrés par effraction. L'un de ceux qui fouillaient semblait flotter légèrement au dessus du sol. Ce dernier ne fit qu'un geste. Le malheureux Challengeur fut figé instantanément et le crâ sorti pour voir si il n'y avait pas d'autres personnes un peu trop curieuses. Les deux autres comparses regardèrent le membre du gouvernement, rirent, puis discutèrent :

«Alors, demanda celui qui semblait flottait.
-Tout est prêt, répondit son complice
-Même les recrutements? Je ne peux pas réussir sans.
-Ne vous inquiétez pas. Heymez, fais juste des rondes régulières en bas s'il te plait, il ne faut pas qu'on voit le passage, dit le deuxième complice en s'adressant au Crâ.
-Compris.
-Et vous, redemanda le second, quels sont vos plans?
-J'ai quelques contact à aller voir...»

Le soleil brillait sur la campagne de Chtibroute. Les blés resplendissaient, paressaient comme fait d'or-ce qui était d'ailleurs vrai pour certain d'eux. Adossé près d'un puits, Xav regardait tranquillement des iops transporter les gros sacs de blé :

«Des bons travailleurs eux... Enfin bon pour ce qu'ils me coûtent, il y a intérêt... songea-t-il.
-Patron!»

La voie tira Xav de son demi-sommeil.

«Patron? On les met où ces sacs là?»

Les Iops s'étaient arrêtés.

«Mais enfin, c'est la sixième fois que je vous le dit. Alors, le blé d'or va là-bas, tandis que le blé classique va sur ce talus là. Ensuite, vous les amenez au moulin et vous...»

Iclafipartare n'entendait que des éclats de voix. Caché dans le moulin, il attendait le bon moment pour agir. A la pâle lueur des rares ouvertures percées, on devinait son physique athlétique mais discret, son visage tendu par la tension et ses cheveux roux qui lui tombaient jusqu'au nez. Il portait un long drapé noir et une tenue de cuir noir qui recouvrait entièrement son corps en absorbant la lumière. Le roublard revérifia la charge de ses pistolets et ses bombes incendiaire pour la énième fois. Ces dernières recouvraient tout le mur du grenier du moulin. Une longue mèche pendait par dessus l'échelle intérieure et ce, jusqu'en bas.

«Ben alors fiston? Tu fais quoi? Ne me dis pas que tu engages des ouvriers maintenant!»

La voix du père de Xav parvint jusqu'aux oreilles d’Iclafipartare tandis qu'il redescendait à la base du moulin.

«Ça y est. Le grand père rapplique, devina le roublard. Divertissons-les pendant leur dispute.»

Il alluma une des mèches et visa les sacs contenant la précieuse récolte avec ses pistolets :

«Que le spectacle commence!»