Wakfu: l'histoire parallèle (partie 3) - Les Carnets 11 abonnés

Par CegyYgec

Chapitre 8

Une brume épaisse flottait dans l'air. Les hiboux hululaient dans les arbres à proximité. La nuit était tombée sur la ville, et la population dormait à poings fermés. Les animaux nocturnes se réveillaient, les bêtes des noirceurs s'animaient. Le silence régnait sur le cimetière, ses occupants gisant sans bruit dans leur tombe.

Dans le silence angoissant de cette atmosphère macabre, un craquement se fit entendre. Une ombre se déplaçait entre les pierres tombales. Le bruissement de ses pas était si fin qu'il était presque inaudible. La silhouette portait une longue capuche, et un manteau très long. Il semblait se diriger vers un endroit précis. L'homme avait un but. Pendant quelques secondes, les nuages laissèrent passer un rayon de lune, qui frappa son visage. La lumière se refléta sur une surface métallique, puis s'éteignit alors que l'astre lunaire se camouflait à nouveau derrière un cumulonimbus.

L'inconnu s'arrêta. Il avait trouvé ce qu'il cherchait. Devant lui, une tombe sans nom.

"Il est temps de tester mes nouveaux pouvoirs."

Ses pieds se détachèrent du sol, et il se mit à léviter quelques centimètres au-dessus. Il leva ses deux bras vers l'avant. Les nuages se concentrèrent dans le ciel. Le brouillard se fit plus dense, et le tonnerre commença à gronder. Un vent violent s'engouffra par les branches des arbres à en secouer les statues de pierre dans le cimetière. Deux éclairs déchirèrent le ciel et frappèrent les paumes de l'homme, qui se mit à briller d'une pâle lumière bleue. Il décrivit de ses membres une lente courbe vers le haut.

Soudain, une lumière ronde s'alluma sous sa capuche. Au-dessus de la tombe se matérialisa une horloge à pendule. Le pendule en question se mit à bouger à gauche, à droite, à gauche...

"Aaaaaaarrgghhh!!!"

Glip s'écroula par terre, se tenant la tête entre ses mains. Il laissa échapper un cri de douleur, et l'écho frappa l'horloge, qui se mit lentement à se désintégrer. Le vent commença à se calmer, la lueur faiblit, les nuages s'éloignèrent, l'orage se dissipa.

"Non, murmura-t-il. Je ne peux pas échouer. Je ne dois pas. Jamais. JAMAIS!"

Le sol se déroba sous ses pieds, une onde de choc détruisant tout à un rayon d'un mètre. Une bourrasque d'énergie le frappa, et des éclairs bleus s'échappèrent de son corps. D'un mouvement brusque de la main, il réanima l'horloge. Les aiguilles commencèrent à bouger. Lentement. Plus vite. Rapidement, elles tournèrent si vite qu'on ne les voyait plus. Ce n'était pas une horloge ordinaire: au lieu de tourner dans le sens horaires, elles se déplaçaient plutôt de façon inverse!

Glip ferma un poing. Un rayon noir sortit du mécanisme, et frappa la pierre tombale. Des particules sombres s'engouffrèrent dans le tombeau. Et soudain, tout s'éteignit. L'eliatrop mit un genoux à terre. Le pendule s'arrêta, et se détruisit. La lumière de la lune s’infiltrait à nouveau au travers des nuages, qui avaient cessé de s'agglutiner.

La tombe sans nom se fissura en deux. Un tremblement vint le secouer, et une main squelettique jaillit du sol, traversant la pierre. Un corps qui semblait rongé par le temps se déterra péniblement, et se leva sur ses deux jambes. Ce n'était pas un humain; il était entièrement formé d'os, et semblait animé par l'énergie noire qui s'était dégagée de l'horloge quelques instants plus tôt.

Le squelette se tourna vers Glip, et s'agenouilla aussitôt.

"Maitre...
- Relève-toi Dralbur. Je vais avoir besoin de toi."



Bryan était seul. Seul avec lui-même. Un lui-même changé, un lui-même différent. Son masque cachait son visage, et son armures et ses bandages recouvraient tout le reste de son corps. Il était défiguré, il n'était plus comme avant.

Il était dans une plaine, au milieu d'une forêt. Il n'y avait pas d'animaux et le soleil plombait dans le ciel. Pas de nuages. Silence complet. Une lueur bleue attira son attention au centre du terrain plat. Il s'avança. À ses pieds, une petite fleur grandissait à vue d’œil. Hypnotisé par la plante, Bryan remarqua que c'était elle qui dégageait la lumière. De larges pétales s’ouvrirent, et la fleur illumina encore plus vivement le garçon. Comme attiré par une force invisible, il approcha doucement sa main.

Il effleura un pétale. Le ciel s’obscurcit d'un coup. Des éclairs rouges se mirent à frapper le sol autour de Bryan, qui éloigna son bras, affolé. La fleur prit une teinte rougeâtre, et des noms apparurent sur les pétales. Il plissa les yeux; c'était écrit en français, mais il n'arrivait pas à lire. Sans signe avant-coureur, la fleur s'enflamma, faisant sursauter l'adolescent. La fumée se regroupa dans le ciel. Un masque se forma, et se mit à ricaner d'un rictus maléfique. Du masque en sortit deux autres, puis quatre autres, puis bientôt le ciel fut rempli de masques de toutes sortes ricanant en chœur. Bryan se boucha les oreilles, et ferma les yeux.

Lorsqu'il les rouvrit, il était parti. Il n'était plus dans la plaine, mais sur un océan gigantesque. Il marchait sur une eau claire et limpide qui ne finissait à aucun des horizons. Il regarda sous la surface liquide; il y voyait un monde qui semblait à une époque moyenâgeuse. Mais ce n'était pas le Moyen Âge: des homme-chats fauchaient du blé dans les champs, des humanoïdes aux oreilles pointues allaient couper du bois... Certains étaient presque humains, mais d'autres, comme des espèces de pandas alcooliques, n'étaient absolument pas normaux.

Un tremblement le fit relever la tête. Devant lui se tenait un immense dragon. La bête se leva sur deux pattes, et toisa le garçon. Bryan recula, apeuré. Le dragon s'envola, puis plongea dans l'eau, qui se brouilla à son contact. Une immense vague le surplomba, et s'écrasa sur lui. Le monde se retourna, Bryan ferma à nouveau les yeux.

Tout était devenu noir. Sur le sol se découpaient des ombres menaçantes, tournoyant autour de lui. Loin devant, il discerna les silhouettes, les silhouettes qu'il avait déjà vues. Une énergie mauve se dégageait de leurs corps. Il y en avait 3 d'un côté, et 6 de l'autre, se faisant face. Les adversaires se mirent à courir les uns vers les autres. Soudain, 5 autres silhouettes apparurent. L'une d'entre elles dégageait une énergie bleue, les 4 autres en dégageaient une blanche. Le groupe de 6 se scinda en deux pour attaquer les nouveaux arrivants.

Son attention se porta sur le combat que menait le bleu. L'un des mauves avait une masse, et l'assénait de coups sans pitié. Le sang gicla, et le combattant s'écroula sur le sol. Un objet scintillant fut projeté, et atterrit aux pieds de Bryan, qui le ramassa. C'était des lunettes rondes. Ces dernières commencèrent à s'animer, et se transformèrent en une longue épée.

La lame était fine, et d'un blanc immaculé. Le paysage se retransforma, et tout devint d'une extrême blancheur. Les combats avaient disparu, et tout était redevenu calme. L’épée se planta dans le sol, et s'enfonça lentement.

"Bonjour Bryan."

Devant lui se tenaient deux personnes, qu'Il reconnaissait bien. Il y avait Wayh, et une femme.

"Maman? Pa...pa?
- Tu es mon fils, Bryan. Les pouvoirs du temps coulent dans tes veines. Tu es un xélor, comme moi.
- Je... je ne comprend pas...
- Je suis si fier de toi."

Un bruit l’interrompit. Un laser bleu venant de nulle part désintégra ses parents, et le frappa de plein fouet.

Bryan se réveilla en sursaut.



"Aaahh!"

Le xélor ouvrit les yeux. Il avait un de ces mals de crâne, il n'avait pas mangé depuis trois jours. "Quel rêve étrange" se dit Bryan. C'était la deuxième fois qu'il faisait un rêve de la sorte. Étendu sur le dos dans l'herbe humide, il regarda les étoiles. Il soupira. "Xélor." Il répéta ce mot dans sa tête. Une étoile filante passa. Il s’apprêtait à fermer les yeux pour retourner dans son sommeil, quand un crépitement attira son attention.

Bryan se mit en position assise. Devant lui crépitait un feu de camp. Le garçon s'était endormi en plein milieu d'une forêt, et il ne se souvenait pas avoir allumé de feu! Il agita sa tête de gauche à droite; personne. Il haussa les épaules, et décida d'en profiter pour se réchauffer.

"Tu es enfin réveillé, Bryan."

Le xélor sursauta. Derrière les flammes, il distingua une forme féminine. La femme en question se leva. Elle avait la peau bleue, des cheveux blancs, une queue en pointe et deux cornes. Elle ramassa une bûche, qu'elle déposa dans le foyer pour le raviver.

"Qui êtes-vous? Comment savez-vous mon nom?
- Je sais beaucoup de choses. Je sais que tu es le fils de Wayh et d'une terrienne, que tu as 15 ans, et qu'avant de commencer ta vie en tant que xélor tu étudiais au Collège Saint-Alexandre.

Bryan se leva.

- Alors, vous pouvez m'aider! Je ne comprend rien du tout à toute cette histoire! Je me sens... perdu, depuis que j'ai enfilé cette armure. Et tout le monde est étrange... vous inclusivement.
- Je suis une osamodas, et le bleu est ma couleur naturelle, rigola la femme.

Elle s'assit aux côtés de Bryan, et le pria de s'asseoir. Il obéi sans discussion.

- Regarde là, dit l'osamodas en pointant à côté du feu.

Chelpot dormait à poings fermés, recroquevillé sur lui-même.

- Qu'est-ce que c'est?
- C'est un gobgob.
- Et à quoi ça sert?
- Il est capable d'emmagasiner l'âme des créatures qu'il avale.. Il peut ensuite les invoquer en cas de besoin.
- Il a des animaux dans son ventre?
- Oui.
- Combien?
- Tu es trop curieux. Oublie les détails, et admire-le. N'est-il pas mignon lorsqu'il dort? Il est si fatigué...
- ...
- Tu sais, fuguer peut être pour toi quelque chose de normal, dans ta situation. Mais, vois-tu, tu ne peux pas rester terré indéfiniment dans cette forêt. Tu dois apprendre à accepter ton nouveau toi.

L'osamodas prit dans ses bras le petit gobgob, et commença à s'éloigner.

- Chacun à son rôle à jouer dans cette histoire. Tu te crois peut-être petit, insignifiant, impuissant. Mais tu es tout le contraire. À toi de t'en convaincre.
- Attendez! cria Bryan en la voyant disparaitre dans la nuit. Je ne connait même pas votre nom!"

Le murmure du vent fut la seule réponse qu'il reçu: "Écoute tes rêves..."Page précédentePage suivante